Pour un photographe, un shooting maternité en extérieur est toujours un moment artistiquement excitant et un peu stressant : il faut penser à la gestion d’une lumière que nous ne contrôlons pas, un environnement que nous ne maîtrisons pas et un modèle qui ne sait évidement pas poser (et encore moins lorsque le modèle est enceinte)
Avec Serena, ce dernier paramètre m’inquiétait beaucoup moins : les podiums, elle connait !
Et bien…….Non !
Oui, elle connait effectivement, et bien que cela fasse un moment qu’elle ne se soit pas prêtée à ce type de jeu, les automatismes reviennent vite ! Par contre, une belle femme, même un mannequin, reste novice dans l’art de poser enceinte : la maternité change pas mal de paramètres sur le regard que l’on porte à son corps et comment on l’appréhende….
On peut se sentir aussi belle, à l’apothéose de la grâce et de la féminité, que finalement aussi proche d’un cétacé échoué sur le périph’ à l’heure de pointe.
Notre rôle, en tant que photographe, c’est de discuter avec notre modèle, voir dans quelle catégorie elle s’est rangée et surtout beaucoup rassurer. Si les mots ont leur importance, les premiers clichés vont terminer le travail et sceller le rapport de notre modèle à son image pour le reste de la séance (et parfois de sa grossesse !).
Fort heureusement pour moi, Serena, malgré quelques blagues qui me laissent penser qu’elle se sent parfois proche de nos fameux mammifères aquatiques, prend sa maternité, et la vie en général, avec une philosophie de vie ultra positive. C’est simple, elle est continuellement de bonne humeur : un rayon de soleil pour celles et ceux qui la croisent.
Mais revenons à notre shooting proprement dit. Nous voici donc au bord du lac de Neuchâtel, un beau matin de mars, sur un spot que j’avais repéré quelques années plus tôt. Serena m’attendait patiemment dans sa voiture, (il faut avouer qu’après 2h30 de route et quelques bouchons imprévus, j’avais 10 bonnes minutes de retard). Je commençais ainsi la séance par de plates excuses.
Ayant le plaisir de connaître Serena depuis pas mal de temps, nous entamons notre séance photo par des retrouvailles chaleureuses et faisons le point sur nos évolutions respectives depuis la dernière fois. Ensuite, je lui fais découvrir le terrain de jeu de cette matinée. Malgré le fait que mon modèle soit une autochtone, j’ai le grand plaisir de lui faire découvrir ce coin et c’est une agréable découverte pour elle…. du coup, tout va bien pour le moment !
On jette ensuite un coup d’oeil à la garde robe de mademoiselle. Je préfère, dans la limite du possible, utiliser les habits de mon modèle : les photos sont ainsi vraiment uniques et à l’image de celle que je photographie car c’est forcément elle qui les a choisis. Une fois les vêtements retenus, je la laisse se préparer et je l’attends au pied du petit ponton de bois.
Les « fondamentaux » de Serena reviennent vite, les poses sont forcément un peu différentes mais son naturel et sa beauté transforment chaque cliché en un moment de grâce.
Malgré une lumière un peu dure du milieu de journée (et oui, l’emploi du temps de notre future maman ne nous laissait pas plus de latitude), Serena resplendit, les poses s’enchainent et les cartes mémoires se remplissent de moments, rares, uniques et surtout : magiques.
Après presque 2 heures de shooting intense, de changement d’habits, de cache-cache avec 2 petites filles intriguées par la demoiselle et son photographe mais souhaitant elles aussi jouer autour de la petite cabane sur pilotis, et de scènes glamours et inspirées, il est temps de faire une pause, prendre un petit café pour se redonner un second souffle et aller sur le second lieu de shooting.
Serena a un souvenir d’enfance, un souvenir attaché à un lieu précis, aux abords du jardin botanique de Neuchâtel. C’est donc très naturellement qu’elle a souhaité boucler la boucle en revenant sur les traces de son enfance pour y semer quelques graines de sa future famille.
Nous montons donc inlassablement sur les petites routes du centre de la ville helvétique pour nous retrouver subitement à flanc de coteau arboré. Point de grand parking mais une simple rue bordée de quelques emplacements dédiés aux voitures. Dès que l’on met pied à terre, on passe du bitume à la verdure, sans transition.
Le temps a changé, un voile blanc recouvre maintenant le ciel neuchâtelois laissant filtrer une lumière tamisée au milieu d’un paysage devenu bien plat, photographiquement parlant. L’endroit n’est pas forcement des plus photogéniques, mais il s’y dégage une atmosphère particulière, apaisante et sereine. Je comprends pourquoi ce lieu parle à Serena bien que je n’y ai pas ses souvenirs.
Je pars en reconnaissance le long du petit sentier escarpé qui mène à un joli point de vue d’après mon charmant modèle. Le long du chemin, je me fais la réflexion que cette ascension risque de fatiguer Serena voire même de provoquer quelques contractions : est-ce bien raisonnable ? Mais je connais son tempérament de feu et son caractère : ce n’est pas une montée un peu raide qui va l’arrêter.
Arrivé tout en haut, le paysage qui s’étend au loin est magnifique : les sommets des Alpes Fribourgeoises avec leur manteau blanc, posées juste derrière les eaux du lac, miroitant. Malheureusement, le premier plan avec le stade de Neuchâtel et les immeubles font moins rêver : il va falloir que je trouve un angle de vue différent. Je me retrouve donc couché aux milieux des ronces que j’essaie « d’élaguer » à grand renfort de couteau Suisse (je ne crois pas aux coïncidences !!), vestiges de mes années en autochtone… Je dois bien admettre que je suis loin d’un MacGyver qui, avec ce type d’instrument, un trombone et un élastique pouvait construire un mini réacteur nucléaire !! Après plusieurs écorchures et quelques décilitres d’huile de coude, je finis par me faire un petit coin où m’allonger.
Qui a dit que photographe est un métier facile ? On ne s’ennuie jamais, c’est aussi pour cela que j’adore mon métier.
Il est temps d’aller chercher Serena qui doit m’attendre en bas, au début du sentier.
Je me dépêche de redescendre, je n’aime pas faire attendre et, en plus, le temps vire vraiment au « pas beau ». Je retrouve Serena au tiers du chemin, faisant l’ascension doucement mais sûrement. Nous finissons par arriver à un virage agrémenté d’un bel arbre, on s’essaie à quelques prises : Ce qui m’étonne le plus chez Serena, c’est son naturel face à l’objectif : elle ne triche pas, ne joue pas, elle irradie naturellement de beauté et de grâce. Malgré des conditions météo qui n’ont plus rien à voir avec le matin, elle rend les photos belles rien que par sa présence et la bienveillance qui émane d’elle.
Vient ensuite le spot final avec un banc de pierre et mon petit coin « piquant » pour les derniers clichés de notre séance. Serena se laisse guider sans jamais rechigner, toujours pleine d’énergie et d’enthousiasme quelques soient mes idées de prises de vue.
La dernière prise enregistrée, je vois apparaître un peu de fatigue chez la future maman : au 8e mois de grossesse, c’est quand même fatiguant ce type de séance. Elle l’avait bien caché jusque là, mais une fois l’excitation retombée, le poids de la grossesse reprend le dessus.
Il est temps pour moi de laisser Serena aller prendre un repos bien mérité et voguer tranquillement vers fa fin de sa maternité. Quant à moi, je reprends la route, des images plein la tête et les appareils photos.
Quelques jours plus tard, Serena a reçu ses photos. De mon côté, j’ai reçu un grand cadeau de sa part : la confiance ! La confiance pour immortaliser un moment unique et magique dans la vie d’une femme, surtout pour sa première grossesse.
Serena, je te remercie encore pour la confiance que tu m’as témoignée, ta gentillesse sans limite, ta bonne humeur communicative, ton professionnalisme, ta grâce comme ton naturel devant l’objectif et de m’avoir permis d’immortaliser ce moment unique dans (une) ta vie.